par Charles Lemieux, président du Syndicat des professeur-e-s du cégep Marie-Victorin
Le 20 février dernier, le ministre des Finances du Québec, Nicolas Marceau, déposait le budget du gouvernement du Québec pour 2014-2015. Les grands médias ont surtout occupé leurs pages à traiter ce budget sous l’angle du jeu pré-électoral auquel se livrent les différents partis plutôt que de procéder à une véritable analyse des différentes mesures qu’il contient. Or, si on procède à cette analyse, ce budget constitue une nouvelle attaque contre les droits sociaux de tous les Québécois et Québécoises en général, et des travailleurs et travailleuses des services publics en particulier.
Ce qui frappe d’abord dans ce budget, ce sont toutes les mesures qui détournent une grande part de nos impôts vers les grandes entreprises au nom de la « croissance économique », de la « création d’emplois » et de la « prospérité » ( en passant, saviez-vous que de 1961 à 2012, la part d’impôt payée par les particuliers est passée de 40% à 75% pendant que celle des entreprises passait de 60% à 25%…). Après la valse habituelle des allers-retours du ministre des Finances entre Québec et New-York où il est allé « rassurer » les agences de notation financière ( celles-là même qui ont été mises en cause dans la crise financière de 2008…), ce budget procède de nouveau au transfert, toujours plus grand peu importe le parti au pouvoir, de la richesse sociale vers les grands intérêts privés qui l’utilisent à leurs propres fins. Par exemple, le gouvernement du Québec accordera un « congé d’impôt » de 10 ans à toutes les entreprises qui font un investissement de 200 millions $, versera aux compagnies pétrolières Pétrolia, Junex et consorts $115 millions de dollars à titre de « participation », réduira les tarifs d’électricité des grandes entreprises (alors que les tarifs pour la population seront augmentés de 5,8 %). Du même souffle, le budget annonce toute une série de mesures qui affecteront l’accès aux services publics, notamment aux services de garde dont les frais seront augmentés. Dans sa réaction au budget, l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques (IRIS) écrit : « En somme, ce budget appauvrit les familles, contribue à l’accélération des changements climatiques et abandonne au secteur privé le soin de décider de quoi sera faite l’économie du Québec. Bref, voilà une étrange manière de devenir, suivant le maître-mot du budget, « maîtres et prospères chez nous ».
Et pendant que le secteur privé s’enrichit encore une fois de nos impôts, le budget adresse une mise en garde aux travailleurs et travailleuses du secteur public : « En premier lieu,le gouvernement entend agir sur le plan de la rémunération. »
Après avoir rappelé que les dépenses de rémunération de l’État s’élevaient à 37,3 milliards de dollars en 2013-2014, soit 59% des dépenses de programmes ( laissant ainsi entendre que c’est déjà « beaucoup trop », alors qu’une société humaine ne peut exister SANS les services publics qui garantissent justement l’exercice des droits humains à l’éducation, à la santé, à des services sociaux, etc.), on nous prévient que nous seront soumis à une « rémunération responsable » qui devra « tenir compte de la capacité de payer des contribuables » et qui pourrait « être ajustable en fonction des résultats de l’économie, et donc, des revenus de l’État. »
Et on ajoute : « Au cours de la prochaine année, le gouvernement souhaite entreprendre une négociation responsable avec ses employés, tenant compte de la capacité de payer de l’État. Le gouvernement souhaite une entente négociée, juste et équitable pour toutes les parties. »
Pour celles et ceux qui ne le savaient donc pas encore, les négociations du secteur public sont commencées et le gouvernement du Parti Québécois annonce dès maintenant qu’il entend nous faire payer pour qu’il puisse continuer de payer ceux qui en ont déjà plein les poches et qui comptent sur l’État pour en avoir encore et toujours plus. Organisons-nous dès maintenant pour faire valoir notre droit à des conditions de travail justes et favorables et celui de toute la population du Québec à des services publics leur garantissant l’exercice de leurs droits humains. Le Québec possède toutes les richesses pour que ces droits soient pleinement reconnus et exercés. La politique néolibérale, dont ce budget est une autre illustration, n’a d’autre perspective que de payer les intérêts privés d’une minorité tout en traitant les travailleurs comme un coût qu’il faut constamment réduire. Cela doit cesser et c’est à nous de faire en sorte que cela cesse.
Bulletin d’information syndicale, volume 22, numéro 15