Photo : Judith Trudeau

Alors le voici le voilà ce spécial liberté académique. Je vous soumets les textes par ordre de réception. Merci aux auteurs et autrices. Bonne lecture à vous tous et toutes. Camarades du comité, nous avons un beau travail à faire!

La Fneeq doit refermer la boîte de Pandore sur la liberté académique

Murielle Chapuis

Un problème mal posé ; une proposition minée

Par Murielle Chapuis, professeure de littérature

Alors que la liberté académique n’est pas suffisamment reconnue dans les conventions collectives des cégeps[1], et qu’elle devrait être inaliénable de la part du syndicat selon l’article 2-3.01[2], les représentants des syndicats locaux impliquant différents cégeps et quelques universités ont adopté une proposition périlleuse lors du Conseil fédéral de la FNEEQ des 2 au 4 décembre 2020.  

Sans avoir su procéder auparavant à une consultation systématique de leurs membres, ceux-ci ont entériné, après avoir procédé à l’amendement du point un adopté par une seule voix de majorité selon le secrétaire de cette réunion et « près de quatre heures [3]» de délibération, la longue proposition suivante qui peut mener à de graves précédents :

Pour poursuivre la lecture de ce premier texte :

À la défense d’un principe inaliénable

Par Nicolas Tremblay, département de français

Nicolas Tremblay

Dans mon article, je ne parlerai pas du mouvement Woke, de la cancelled culture, de l’anticolonialisme… Les articles abondent déjà sur ce nouveau progressisme revendicateur qui remet en question notre parole, c’est-à-dire celle des professeurs que nous sommes tous. Il est inutile d’en rajouter ici. Je souhaite plutôt aborder la question de la liberté académique en elle-même ainsi que celle du rôle que nous jouons auprès de nos étudiants.

Liberté, principe inaliénable

Notre syndicat tant local que national devrait, en prévision de la rédaction du mémoire sur « la liberté académique incluant les enjeux du racisme et de la discrimination systémiques », se rappeler que son rôle fondamental est de défendre les intérêts du corps enseignant qui le compose, et qu’il y va là d’un intérêt fondamental, voire vital : notre parole ne doit pas être restreinte ni balisée d’aucune façon. Notre syndicat n’est pas là pour représenter les opprimés ou les victimes, mais des professeurs embauchés par l’État pour remplir une mission, celle d’instruire de jeunes et de moins jeunes adultes.

Pour poursuivre la lecture de ce second texte :

Liberté académique et sensibilité raciale : il n’est pas nécessaire de choisir son camp.

Par Bruno Marcotte, professeur de science politique

Bruno Marcotte

Le traitement médiatique du débat sur la liberté académique peut donner l’impression que nous assistons au Québec à une «guerre culturelle» à l’américaine. Pourtant, les coups de canon éditoriaux des dernières semaines ont poussé des centaines, voire des milliers de professeurs à lire, réfléchir et dialoguer. Là où certains voient une guerre, d’autres voient des questions.

Dans cet esprit, je propose ici cinq principes qui devraient d’après moi guider la réponse syndicale du SEECLG sur les questions de liberté académique. Le thème fédérateur est qu’il n’y a pas d’opposition à chercher entre l’engagement envers la liberté académique et le développement d’une plus grande sensibilité par rapport aux enjeux raciaux. Pour reprendre les mots d’Ève Ménard et Shophika Vaithyanathasarm, je cherche ici à trouver « un équilibre sain nous permettant de continuer à apprendre sur le passé, tout en envisageant un avenir différent»[1]


[1] Ève Ménard et Shophika Vaithyanathasarm. «Liberté d’enseignement et modération des discours». Le Devoir. 17 février 2021. [hyperlien].

Pour poursuivre la lecture de ce troisième texte :

Contre une approche punitive et pour une réflexion inclusive

Par Claire Dumouchel, professeure de psychologie

Claire Dumouchel

Bien que j’aie déjà écrit un article dans le de Vive Voix 8.08 sur l’importance de l’écoute et du dialogue dans les enjeux de liberté académique, je vais préciser davantage ma posture. Pour contextualiser, je vais parler davantage de mon expérience. Bien sûr je suis enseignante en psychologie, mais plus précisément ma formation est en recherche et en psychologie organisationnelle, qui est une branche de la psychologie sociale. J’ai aussi beaucoup touché aux enjeux de communication et de discrimination. J’ai donc déjà été exposée dès mes études universitaires aux notions de discrimination et racisme systémiques, du point de vue psychologique et sociologique. Je suis aussi militante féministe et, bien que mon engagement ait changé de forme de mon adolescence jusqu’à aujourd’hui, mon implication a toujours été centrale dans ma vie.

Je vais me prononcer sur 2 points concernant les enjeux de liberté académique :

  • La dénonciation d’une approche punitive face aux enseignant.e.s dans les cas reliés à la liberté académique
  • L’importance d’une réflexion inclusive dans le titre Comité sur la liberté académique incluant les enjeux de racisme et de discrimination systémiques

Pour poursuivre la lecture de ce quatrième texte :

LE RÉEL DANGER

Par Michel Milot, professeur de mathématiques

Michel Milot

Dans l’actuelle saga sur la liberté académique (grimpée en épingle par une obsession des médias), je sens un souffle conservateur qui craint de perdre une partie de son hégémonie. Bien sûr, certains cas récents comportent des aspects inquiétants, voire révoltants, qu’il faut dénoncer, tout autant que la manière dont se comportent certains gestionnaires devant leurs « clients rois ». Cela dit, je ne peux m’empêcher de constater que, parallèlement, quand vient le temps de dénoncer les dérives du formatage technocratique et des obsessions gestionnaires de plus en plus présentes dans l’enseignement collégial, celles-là qui dénaturent de plus en plus notre métier et restreignent notre liberté académique, bien peu sont présents à les dénoncer. Pour ne citer qu’un exemple, je suis beaucoup plus inquiet pour l’avenir de l’éducation et de notre métier du bulldozer du numérique et de l’intelligence artificielle (l’arrivée de robots bienveillants[1]) dans les cégeps, que d’une remise en question somme toute rare de l’utilisation de certains mots.


[1] Consultez le site Internet de la compagnie Optania pour plonger dans cette dystopie…

Pour poursuivre la lecture de ce cinquième texte :

Suggestion de lecture de Michel Milot   Très stimulant de lire des étudiant.es se prononcer dans l’article « La liberté universitaire contre la dérive autoritaire » (Le Devoir, 5 mars 2021). Ce texte ajoute en profondeur aux éléments que j’effleure dans ma contribution au débat sur la liberté académique.

Quelques propos sur le racisme systémique en éducation

Par Rémi Vachon, professeur en philosophie

Rémi Vachon

Dans son livre White Fragility (2018), l’auteure Robin Diangelo présente l’exemple (réel) d’une enseignante blanche dans une école aux États-Unis qui reçoit dans son bureau deux étudiantes noires.

Durant la rencontre, l’enseignante s’adresse à une des étudiantes en utilisant le mot « girl ». L’étudiante est alors choquée par ce qu’elle juge être un ton condescendant et considère que ceci doit être lié au fait qu’elle est noire. La seconde étudiante, elle aussi noire, répond alors à son amie que ce n’est pas le cas, parce qu’elle a vu régulièrement l’enseignante utiliser le même mot en s’adressant à d’autres étudiantes, indépendamment de leur ethnicité.

Face à cet incident, les enseignants de l’établissement ont en bloc pris la défense de leur collègue en faisant valoir que le témoignage de la seconde étudiante prouvait que ce n’était pas raciste.

Bon, ici je n’ai pas l’intention de développer sur les raisons pourquoi à mon sens il ne s’agit pas d’un incident raciste. Ce sur quoi je veux mettre l’accent c’est sur l’analyse que fait Robin Diangelo de cette situation.

Pour poursuivre la lecture de ce sixième texte :

LIBERTÉ ACADÉMIQUE ET SOUCI DE NE PAS HEURTER LA SENSIBILITÉ DES ÉTUDIANTS

UNE RÉFLEXION DIALECTIQUE

Par Yanick Binet, professeur de philosophie

INTRODUCTION

Yanick Binet

Il s’est dit beaucoup de choses sur la liberté académique et sur la bonne façon de l’articuler avec le souci de ne pas choquer inutilement la sensibilité des étudiant-e-s.

La raison pour laquelle le sujet suscite tant de passions est certainement que deux ordres de préoccupation entrent en conflit. Ces préoccupations concurrentes traduisent une vision profonde de ce que devrait être la mission de l’école et la bonne façon de faire progresser la société, et sont même souvent associées avec une identité que l’on cherche à défendre, parfois avec passion.

Afin de poser un jugement éclairé, il me semble important de comprendre les points de vue en présence.

Loin d’être exhaustif, le texte suivant tente de rendre compte de ce m’apparaissent être les arguments les plus communs de chaque côté. Bien entendu, certains seront moins forts que d’autres, sinon carrément des préjugés.

Pour poursuivre la lecture de ce septième texte :

Une bêtise systémique

À ne pas vouloir reconnaître ce qui menace l’autonomie professionnelle, nous courrons le risque de pervertir complètement la mission fondamentale inhérente à l’acte d’enseigner

Par Stéphane Chalifour, professeur en sociologie

Stéphane Chalifour

Née de ce qui est devenue l’«affaire» Lieutenenant-Duval, la controverse autour de la liberté académique aura permis de révéler le profond malaise dont est porteuse une mouvance idéologique qui se présente à nous sous les traits de volontés émancipatrices. Les dernières controverses devraient pourtant suffire à nous convaincre des dangers que représente une posture morale dont la stratégie consiste, au nom des bons sentiments, à faire des sensibilités subjectives et aléatoires un principe objectivé et formalisé devant désormais contraindre les conduites. Accusés de «racisme», d’«islamophobie», ou «transphobie», des collègues du réseau universitaire notamment subissent les foudres de jeunes militants fanatisés rompus à la «cancel-culture» avec la complicité d’une nouvelle intelligentsia qui se croit investie d’une véritable mission purificatrice. Déclarés coupables du simple fait d’être dénoncés sans autre procès, certains font même l’objet d’une véritable campagne d’intimidation avec, comme on l’a vu à Ottawa, la complaisance d’un recteur dont le camp n’est visiblement pas celui de la justice.

Pour poursuivre la lecture de ce huitième texte :

Suggestion de lecture de Stéphane Chalifour :

Liberté académique. Liberté.

Par Étienne Gendron, professeur en histoire

Étienne Gendron

Le mot est lourd de signification, pesant. Il invite à prendre tout débat qui l’entoure au sérieux, sous peine de plaider pour l’enchaînement d’autrui. Depuis plusieurs mois, il est sur toutes les lèvres et nourrit les inquiétudes de centaines d’enseignants qui craignent de voir leur profession muselée, son exercice policé, chaque parole soupesée face au tribunal invisible de la rectitude politique. Bref : la question est présentée comme une question de principes, l’opposition entre un paradigme «woke» menant à l’autocensure, ou à celui d’une société démocratique et libérale dévouée au libre échange des idées.

Pour poursuivre la lecture de ce neuvième texte :